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La prescription abrégée de trois mois s’applique-t-elle à l’internet ?

Bulletin numéro 128

D 23 décembre 2000     H 17:40     A Sébastien Canévet     C 0 messages


La prescription abrégée de trois mois s’applique-t-elle à l’internet ?

Bulletin numéro 128

samedi 23 décembre 2000, par Sebastien Canevet

Bonjour,

Je profite de ce (probablement) dernier numéro de "Droit et Internet" du millénaire pour vous souhaiter d’excellentes fêtes de fin d’année.

Puisque c’est la saison des cadeaux, je vous offre un fil d’information gratuit sur le droit de l’internet pour votre site web. Si vous voulez en faire profiter vos visiteurs, allez voir à http://fil.canevet.com

Deux décisions de justice récentes (UEJF et autres c/ Costes et Carl Lang c/ Réseau Voltaire) m’amènent à revenir sur un point de droit un peu subtil mais d’une grande importance : la prescription abrégée de trois mois en matière de presse.

Sébastien Canevet mailto:sebastien canevet.com

(Ce 128 em numéro est envoyé à 4214 internautes)

La prescription : qu’est ce que c’est ?

Après l’écoulement d’un délai variable, la poursuite d’une infraction n’est plus possible. C’est la prescription de l’action publique (il existe également une prescription lorsque la peine a été prononcée mais non exécutée). Ce délais est de 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions.

Mais la loi de 1881 sur la liberté de la presse a prévu que les infractions en matière de presse bénéficient d’une prescription abrégée, d’une durée de trois mois seulement, ceci dans le but de concilier la liberté de l’information et le droit des victimes d’excès éventuels à obtenir réparation du dommage qui leur est causé.

C’est cette disposition que certains entendent remettre en question.

Infraction instantanée et infraction continue

Les infractions commises en matière de presse sont traditionnellement considérées comme des infractions instantanées. C’est à dire que le délai de prescription commence à courir à partir de la date de publication de l’information litigieuse.

Les infractions continues, en revanche, sont celles qui perdurent un certain temps, comme le recel par exemple. L’infraction ne cesse qu’a la fin de la période pendant laquelle elle est commise, et le délai de prescription ne commence à courir qu’a partir de ce moment là.

L’infraction de presse est traditionnellement une infraction instantanée

Depuis la fin du XIX em siècle, les juges considèrent que l’infraction de presse est une infraction instantanée. Cette jurisprudence a été transposée à tous les nouveaux modes de communication apparus depuis un siécle (radio, télévision, etc...).

C’est pourtant cette jurisprudence que les associations antiracistes ont commencé à remettre en cause, ouvrant ainsi une brèche dans les dispositions de cette loi qui protègent la liberté de la presse.

L’infraction commise via l’internet serait une infraction continue

Contrairement aux autres infractions de presse, celle commises sur l’internet serait une infraction continue. La principale raison invoquée est que l’auteur conserve la possibilité de modifier ou de retirer les informations litigieuses ce qui démontrerait une "manifestation renouvelée de la volonté de son auteur", alors que celles commises par la voie de la presse ou de l’édition papier ne continueraient de produire leurs effets que "par la seule force des choses" sans nouvelle intention de leur auteur.

Une interprétation abusive et dangereuse

Cette différence de traitement entre l’édition classique et l’édition numérique est injustifiable. En effet, il existe un certain nombre de situations éditoriales classiques dans lesquelles se manifeste également une volonté renouvelée de leur auteur, par exemple lors de l’affichage dans un endroit qui reste accessible à celui ci. Or, ce genre de situation est toujours considéré par la jurisprudence comme une infraction instantanée.

A l’inverse, certaines publications sur le réseau deviennent indépendantes de leur auteur, qui ne peut plus les modifier ou les retirer quand bon lui semble. C’est le cas des contributions sur la plupart des forums web.

On le voit, il n’y a aucune différence de principe entre la publication classique et la publication numérique, donc rien ne justifie de traiter différemment ces deux modes de publication, qui doivent bénéficier l’un et l’autre de la prescription abrégée de trois mois.

Quelques liens utiles

Mon bulletin "Droit et Internet" numéro 118 consacré à l’affaire Coste : http://www.canevet.com/actua/archives/di-118.htm

"Quand la L.D.H tire contre son camps", par Arno : http://www.minirezo.net/article202.html

"Diffamer sur le Net, délit ordinaire" un papier que j’ai co-signé avec Philippe Moreau dans Libé hier. http://www.liberation.com/quotidien/debats/decembre00/20001222a.html

La décision "Réseau Voltaire" du 6 décembre 2000 http://www.canevet.com/jurisp/textes/001206.htm

Le communiqué du réseau Voltaire http://www.reseauvoltaire.net/actu/proces/proces3.htm

Contra :

"Prescription des délits commis sur l’Internet : une impunité qui ne dit pas son nom ?" par Alexandre Braun, (commentaire de la décision du T.G.I de Paris du 28 janvier 1999) http://www.juriscom.net/pro/1/delit19990301.htm

A propos de la prescription concernant les écrits publiés sur le net (position personnelle de Michel Tubiana, Président de la Ligue des Droits de l’Homme) : http://www.minirezo.net/article261.html

* * *

La citation de la semaine.

"Quand la presse est libre, cela peut être bon ou mauvais ; mais sans liberté, la presse ne peut être que mauvaise."

Albert CAMUS

P.S. Vous pouvez comme d’habitude utiliser librement tout ou partie de ce texte, à condition de citer l’adresse du site (http://www.canevet.com) et de ne pas en tirer profit, ceci pour ne pas entraver la libre circulation de la connaissance et de la langue française...

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