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Le ministre et le pédophile

A propos de "l’affaire Luc Ferry" (Sur la non dénonciation de crimes et délits...)

D 31 mai 2011     H 11:57     A Sébastien Canévet     C 3 messages


Je lis un peu tout et n’importe quoi au sujet de la soit disant obligation de dénonciation qui incomberait à Luc Ferry, y compris de la part de Rachida Dati, que l’on aurait pu croire mieux informée en la matière...

Ne revenons pas sur les faits, réels ou supposés, évoqués par l’ancien ministre de l’éducation national, tel n’est pas notre propos. Concentrons nous plutôt sur l’aspect juridique de cette affaire :
- Que risque Luc Ferry en désignant explicitement la personne suspectée de ces horreurs ?
- Que risque-t-il en refusant de dénoncer ?

 La dénonciation calomnieuse

Article 226-10 du code pénal

Le texte applicable en la matière est l’article 226-10 du code pénal, qui dispose :

"La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.

C’est au début de l’alinéa 1er que nous allons surtout nous intéresser : "la dénonciation (...) dirigée contre une personne déterminée (...)" n’existe pas en l’espèce, puisque Luc Ferry refuse obstinément de prononcer le nom de l’homme politique visé. L’absence de l’un des éléments constitutifs de l’infraction fait que ce texte n’est pas applicable à l’ancien ministre, si il s’en tient à son comportement actuel.

La diffamation

J’ai parfois entendu certains commentateurs mal informés prétendre que Luc Ferry risquait de se voir poursuivi pour diffamation si il nommait l’ancien ministre concerné par ses propos. Il n’en est rien.

Lorsqu’un même fait tombe sous le coup de deux incriminations pénales distinctes, on ne peut être poursuivi et condamné que pour l’une des deux infractions (sauf en matière de contraventions de police).

Les spécialistes me pardonneront mes approximation mais on peut résumer la situation en disant qu’il y a deux situations différentes :

- Soit il s’agit de l’infraction qui est punie de la sanction la plus grave (règle de la plus haute expression pénale) quand ce sont deux infractions n’entrant pas en concurrence dans le même champs répressif.

- Soit il faut retenir l’infraction la plus précise des deux (règle de la loi spéciale dérogeant à la loi générale). Or ici la règle générale est celle selon laquelle il est interdit de diffamer autrui, il convient donc de retenir la règle spéciale, qui prévoit la dénonciation calomnieuse.

Exit la diffamation !

Venons en maintenant à la soi disant obligation de dénonciation.

 La non dénonciation

Ici aussi deux textes sont susceptibles de recevoir application : la non dénonciation de crime et la non dénonciation de mauvais traitement à mineur

La non dénonciation de crime

Le texte applicable aux non dénonciation de crime est l’article 434-1 du code pénal

Le fait, pour quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.

Sont exceptés des dispositions qui précèdent, sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs de quinze ans :

1° Les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et soeurs et leurs conjoints, de l’auteur ou du complice du crime ;

2° Le conjoint de l’auteur ou du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui.

Sont également exceptées des dispositions du premier alinéa les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13.

La non dénonciation de mauvais traitement à mineur

C’est ici l’article 434-3 du code pénal qui est concerné

Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.

Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13.

Ici encore, les infractions ne sont pas constituées. En effet, pour qu’il y ait non dénonciation, encore faut-il que soient réunies deux conditions :

- Que les faits concernés aient réellement été commis
- Avoir eu personnellement connaissance de faits précis et non de simples rumeurs

Enfin, il convient de mentionner que la non dénonciation est un délit, et qu’un délit est prescrit au bout de trois ans

Si il s’en tient à sa position actuelle, Luc Ferry peut donc dormir sur ses deux oreilles.

Reste à s’interroger sur quelle mouche à piqué l’ancien ministre de se lancer ainsi inconsidérément dans ses propos... mais nous sortons ici du droit pénal...

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